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Les nouvelles technologies créent de nouveaux univers: mais pour qui ?

Une conversation avec l'artiste japonaise Sputniko!

L’artiste Hiromi Ozaki (alias Sputniko!) est également fondatrice de Cradle, une startup spécialisée dans l’accès aux soins pour les femmes. Elle est aussi professeure adjointe à l’université des arts de Tokyo, et consultante pour le gouvernement japonais à travers différents comités tels que le Moonshot Research and Development Program. Son travail porte essentiellement sur les thèmes du genre, de l’identité, et de la technologie.

 

Quelle est l’histoire derrière votre nom d’artiste?

 

“Je m’appelle Hiromi Ozaki. Mon nom d’artiste vient d’un surnom, Sputnik. Mes amis de lycée qui ont commencé à m’appeler Sputniko ! en référence au satellite soviétique.

 

Ce surnom fait écho à mon fort intérêt pour la science, ma taille et ma double culture. Ma maman est britannique, et mon papa japonais. Mes camarades de classe japonais souhaitaient m’appeler par un nom plus exotique et “tech” que mon prénom traditionnel japonais. J’ai ensuite ajouté ‘ko’ - une terminaison très répandue pour les noms féminins japonais. 

 

J’ai commencé ma carrière d’artiste sous ce pseudonyme. Ensuite, toujours sous ce pseudonyme, je suis devenue professeure assistante au MIT, et consultante pour le gouvernement japonais. Aujourd’hui, peu de professeurs et de conseillers du gouvernement utilisent un pseudonyme. Avec l’avènement du Web3 et des NFT, je pense que ce phénomène va devenir de plus en plus répandu. Finalement, j’avais 20 ans d’avance sur cette future tendance!”

 

La technologie transforme-t-elle la créativité?

 

“Les nouvelles technologies ont un impact certain sur notre façon de créer et d'interagir. Ma curiosité d’artiste me pousse à explorer les tendances lors de l’arrivée de nouvelles technologies. A travers mon travail, j’essaie de  porter un regard critique et de mettre en lumière les limites des technologies.

 

L’expérience de mes études de Data Science en temps que femme, m’a poussée à m’intéresser à certains sujets qui n’étaient pas présentés comme prioritaires. De nombreuses questions propres aux femmes étaient et sont toujours délaissées, notamment dans le domaine de l’accès aux soins. Dans le but de sensibiliser le grand public à ces problématiques, j’ai décidé de devenir une communicante, plus qu’une scientifique.

 

Un de mes principaux objets de travail est la thématique des “règles”. Mon dernier projet, nommé Menstrualverse, fait référence à une de mes œuvres principales. Il s’agit d’une machine permettant aux utilisateurs de ressentir ce phénomène. Pour aller plus loin dans ce projet, j’ai décidé de créer un accessoire virtuel avec les mêmes facultés utilisable dans le métaverse sur la plateforme Decentraland. Toutefois, mon projet a été rejeté au motif que la représentation du sang menstruel n’était pas conforme aux normes de sécurité et d'âge des utilisateurs.

 

Nous entendons souvent dire que le futur apporté par le métaverse et le Web3 serait un monde ouvert, où la diversité et l'inclusion seraient clés. L’interdiction de représenter le phénomène des “règles” dans le métavers, c’est-à-dire un phénomène naturel qui concerne plus de la moitié de la population, interroge sur la manière dont le genre est représenté dans ces nouveaux mondes virtuels. 

 

Quels autres phénomènes propres à l’identité disparaîtront dans ces nouveaux univers virtuels? Dans mon nouveau projet, je vise à créer un avatar allaitant. Nous verrons bien si cela sera accepté. 

 

Les frontières de ces nouveaux univers technologiques ont des conséquences importantes sur la façon dont nous percevons la société. Les concepteurs de technologies doivent être conscients des risques éthiques des technologies. “

 

Les NFT révolutionnent-ils le monde de l’art?

 

“Les jetons non fongibles (NFT) sont un réel atout pour les artistes. Ils ont révolutionné le monde des collectionneurs d’art. Les NFT offrent non seulement une plateforme numérique, mais aussi de nouveaux moyens pour les artistes de posséder la propriété de leurs œuvres.

Avant les NFT, lorsqu’un potentiel client souhaitait voir ou acheter mes œuvres, des contraintes temporelles et géographiques s’imposaient. Aujourd’hui, tout peut se faire en ligne. 

Ce nouveau système comporte aussi ses limites. Certains aspects de la culture NFT sont très commerciaux. Aussi, certains artistes de la sphère NFT ressentent une pression, voire une obligation de présence permanente sur les réseaux sociaux (Twitter et Discord en particulier). Or, je ne pense pas qu'une curation basée sur la popularité sur Twitter ou autres réseaux soit une base satisfaisante pour une culture sophistiquée. Je pense que l’univers NFT bénéficierait d’une présence renforcée  de conservateurs et de critiques d’art.

 

"Ce n'est pas parce qu'un youtuber a plus vues qu’un autre sur les réseaux sociaux que sa vidéo a plus de valeur."

 

À l'heure actuelle, tous les artistes ne profitent pas du potentiel qu'offrent les NFT. Cela s'inscrit dans un contexte plus large des inégalités dans le secteur de la crypto-monnaie. Une étude a révélé que seulement 5 % des ventes totales de NFT sont réalisées par des femmes artistes. J'ai hâte de voir comment les NFT peuvent être utilisés pour donner du pouvoir aux artistes marginalisés et représenter leur point de vue sur le Web3.”

Pour mieux connaître Sputniko!

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