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Rencontre avec... Romain Lavault

Romain Lavault, general partner au sein de Partech, une plateforme d’investissement en technologie mondiale, nous explique comment il est impliqué dans le pilotage d'une initiative de la Human Technology Foundation visant à redéfinir la manière dont nous investissons dans la technologie, en concevant un cadre destiné à bâtir un monde plus fort après la pandémie.


Romain Lavault est résolument optimiste. « Si je n’étais pas optimiste, je ne serais pas investisseur en capital de risque », dit-il en riant.

Il est tout de même très réaliste. Cet équilibre naturel le place en bonne position en tant qu’associé général au sein de Partech, où il supervise des fonds de lancement de 300 millions de dollars. Cet équilibre est sur le point de devenir encore plus important, alors que M. Lavault se lance dans l’élaboration de ce que beaucoup considèrent comme le mont Everest de la présentation de l’information, c’est-à-dire un nouveau moyen de quantifier les indicateurs clés de performance financiers et non financiers afin d’orienter les investissements faits dans le secteur des technologies.

« Les investisseurs en technologie sont vraiment enthousiastes par rapport aux rendements, indique M. Lavault. Mais nous posons-nous les bonnes questions? »

M. Lavault voit dans cet ambitieux projet de la Human Technology Foundation une occasion unique de jeter des ponts quantifiables entre ce que nous sommes, ce que nous valorisons et ce que nous réalisons au travail — et il estime que le moment est bien choisi.

Pourquoi établir ce cadre maintenant?

Avec le déferlement de la pandémie sur le monde, le rythme de la transformation numérique et de l’innovation technologique s’est accéléré comme personne ne l’avait prédit. Un exemple concret : les premières installations de l’application mobile de Zoom ont bondi de 728 % au printemps 2020. Autant de transformations au même moment ont créé une puissante vague de changement susceptible de façonner le marché pour les années à venir. En fait, la société d’études de marché sur la transformation numérique IDC prévoit que 65 % du PIB mondial passeront au numérique d’ici 2022, ce qui entraînera des investissements directs de plus de 6,8 billions de dollars de 2020 à 2023. Alors qu’il devient de plus en plus évident que la nouvelle normalité ressemblera de moins en moins à celle que nous connaissions auparavant, M. Lavault affirme qu’il est absolument essentiel de mieux encadrer les investissements faits dans le secteur des technologies.

« Le parcours de l’investisseur en technologie est unique en ce sens qu’il évolue vraiment rapidement, explique M. Lavault. Les questions que vous vous posez au début du processus, comme : “S’agit-il d’une bonne possibilité?”, “Le concept est-il viable?”, doivent faire l’objet d’un examen constant au fil du temps afin de tenir compte du comportement des utilisateurs et de l’évolution du marché. »

Cette nécessité est d’autant plus grande que les consommateurs, les investisseurs et les organismes de réglementation accordent une importance grandissante à une nouvelle définition de la création de valeur à long terme. Qu’il s’agisse du consommateur qui choisit une marque à l’épicerie, d’un investisseur institutionnel qui oriente un fonds mondial ou d’un organisme de réglementation qui redéfinit ce qui est important : les parties prenantes font de plus en plus de lien entre les choix qu’elles font et l’importance accordée par une organisation aux questions environnementales, sociales et de gouvernance (ESG).

« Il y a une concordance parfaite entre l’essor technologique et le fait que les gens, partout dans le monde, se soucient davantage de la planète et des autres », explique M. Lavault. Cette recherche de sens par tous (clients, investisseurs, employés) signifie qu’il faut regrouper toutes ces questions dans une nouvelle façon d’investir. Cette réalité ne va pas révolutionner la façon dont nous faisons les choses. Nous pourrions finir par faire des investissements de la même manière. Mais nous le ferons avec un filtre différent en tête. Nous changerons le monde une entreprise en démarrage à la fois. »

Mise en place d’un nouveau cadre pour aller de l’avant

Évidemment, la clé consiste à appliquer le bon filtre. C’est là qu’entrent en scène les plus récents travaux de la Fondation, qui consistent à élaborer un cadre reposant sur les contributions d’un groupe de travail mondial diversifié, qui couvrent divers secteurs, compétences et cultures.

Pour M. Lavault, ces progrès commencent par un engagement simple : refuser de réinventer la roue dans le seul but d’en produire une autre dont personne ne se souciera. « Nous voulons commencer par tout ce qui a déjà été instauré jusqu’à maintenant, et y superposer notre cadre. Nous faisons appel à des personnes qui sont déjà avancées dans ce mouvement. Les bons partenaires sont déjà à bord, et ils nous apporteront de bonnes connaissances. »

Ce groupe de travail principal est composé d’éthiciens, de professionnels de l’investissement, de spécialistes ESG et d’experts en technologie. Ensemble, ils définiront les domaines technologiques qui attirent le plus l’attention des investisseurs aujourd’hui, ainsi que les problèmes éthiques qui en découlent. Partant de là, le groupe prévoit prioriser de trois à quatre sujets clés et utiliser les cadres existants comme point de départ afin de mettre en place un nouveau modèle.

Bien qu’il existe différentes approches (pensez aux objectifs de développement durable des Nations Unies, au système d’évaluation R-EYE de Capital Dynamics), ce nouveau cadre cherchera à combler les lacunes entre les options actuelles. Voilà une quête particulièrement pertinente dans le secteur de l’investissement technologique, qui oblige les décideurs à ne pas se contenter de simplement comprendre l’utilité d’une solution mais aussi à explorer les rouages internes de son fonctionnement, ainsi que les effets indésirables ou les biais potentiels qu’elle peut engendrer. C’est pourquoi la composition et l’orientation du groupe de travail reposent sur la diversité de pensée.

« En fait, il s’agit de rassembler des gens qui ont une connaissance approfondie des questions ESG et de la finance, ainsi des experts dans le domaine qui ne sont pas nécessairement des investisseurs », indique M. Lavault. Ces personnes peuvent ouvrir le capot et expliquer le fonctionnement des choses. »

De là, ils brasseront des idées afin de voir quel genre de cadre émergera au bout de ce processus avant d’entreprendre des essais d’études de cas en situation réelle avec des investisseurs en technologie de l’extérieur qui n’ont pas pris part à l’élaboration du cadre.

« Nous savons que nous escaladons l’Everest. Le cadre doit être pratique et utilisable pour des personnes comme moi, explique M. Lavault. Nous devons sortir des sentiers battus parce que cela n’a jamais été fait auparavant. Même le format du cadre doit être établi. S’agit-il d’un algorithme? D’une feuille de calcul? D’une liste de questions? Il doit y avoir une diversité de pensée autour de la table [pour tout comprendre]. »

Son groupe de travail a l’intention de faire participer des investisseurs de partout dans le monde aux études de cas afin de révéler les éléments manquants et d’apporter des ajustements en fonction de ce qu’ils ont appris dans l’application du cadre à des transactions et décisions réelles.

Réussite du cadre reposant sur son côté pratique, utilisable et généralement reconnu

Comment M. Lavault saura-t-il que le groupe de travail de la Fondation a accompli ce qu’il souhaite réussir? C’est simple, dit-il : « Il me faut un cadre très personnel que je pourrai utiliser dans mon travail. Un outil qui peut faire partie de ma vie quotidienne. Je le saurai quand je le verrai. »

La tâche sera complexe, reconnaît-il. L’initiative doit être mise en œuvre au moyen de quatre modules rigoureusement définis, comportant des jalons clés à chacune des étapes.

S’appuyant sur ses 20 ans d’expérience, M. Lavault est impatient de présenter les travaux de son groupe dans le cadre d’une tournée de trois mois à l’issue du projet. Si, au bout du compte, le groupe voit d’autres parties prenantes adopter son cadre et en faire une norme dans les notes d’investissement, il saura que sa mission est couronnée de succès.

Ce ne sera pas forcément facile. Mais ce groupe multidisciplinaire de leaders est prêt, et est surtout… optimiste… comme le dit si bien M. Lavault.

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